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Hugo Destot

Altamont ou la fin du mouvement hippies et des rêves du rock utopiste des années 60



Si les années 60 furent les années hippies, les années contre-culture, paix et amour, une ivresse collective, les années 70 furent au contraire les années gueule de bois. En effet, le rêve laissa place au cauchemar et à la désillusion d’une utopie envolée. L’illusion qu’une autre société était possible, que la paix pouvait advenir, tout ceci n’était qu’un voile face à la réalité des choses, les conditions matérielles n’était pas présentes pour que le rêve advienne.

D’un point de vue musical, le pic de ce rêve se matérialisa avec le festival de Woodstock en mai 1969, et le début de la fin lors du festival d’Altamont en novembre 1969, en l’espace de 6 mois, le monde de la musique s’inversa et les valeurs prônées pendant une décennie furent alors renversées en l’espace d’une soirée, la faute au retour de la violence par le biais d’un groupe de motards dégénérés et avide de sang, les hippies furent tués et la violence apparue sur les cendres d’un mouvement pacifiste ou plus précisément la destruction au sein du rock commença pour laisser place 8 ans plus tard au mouvement le plus violent et auto-destructeur que le rock connu : le punk rock. Mais alors, comment expliquer ce retournement soudain en l’espace d’une décennie, pour obtenir des éléments de réponse à cette question, nous pouvons étudier le festival d’Altamont qui entama cette transformation.


Partons de la genèse de ce festival, qui n’en fut pas moins chaotique et laissa dès l’origine présager ce qui suivra. Organisé comme un contrepoint sur la côte ouest à Woodstock, il est à l’initiative du groupe californien Grateful Dead, cependant, faute d’une organisation suffisamment sérieuse, il ne prit jamais forme et ce fut donc finalement les Rolling Stones, dont l’image écornée par tournée, alors en cours en novembre 1969, catastrophique aux Etats-Unis et désireux de redorer leur blason, décide d’organiser de manière gratuite un festival de musique à l’intérieur d’un circuit de stock-car à Altamont et qui réunira 300 000 personnes. Les Hells Angels, groupe de motards dans les années 60 connus pour leurs excès en matière de drogue et de violence (voir lynchage de Hunter.S.Thompson pour plus de précision) sont alors recommandés par le Grateful Dead pour assurer le festival. L’annonce du festival par le magazine Rolling Stones annonce alors la couleur : Ce sera un mini-Woodstock et, plus excitant encore, ce sera un Woodstock à l'arrache… ». Des groupes de renom tels que Santana, Flying Burrito Brothers, Jefferson Airplane, Grateful Dead, et Crosby, Stills, Nash and Young se sont portés volontaires pour participer à ce qui était annoncé comme un mini-Woodstock, mais avec une touche plus spontanée et excitante. Cependant, l'événement a été entaché de problèmes logistiques tels que le manque d'installations sanitaires et de tentes pour les postes médicaux. De plus, la scène était située au bas d'une pente, à seulement un mètre de hauteur, exposant davantage les musiciens à la foule.


Mais dès le début de celui-ci, les évènements prirent une tournure dramatique, en effet, drogue, violences entre les spectateurs et les Hells Angels alors défoncés aux mélanges d’amphétamines, LSD, sécobarbital et vin rouge !! Carlos Santana décrit alors la scène :


« Il y avait de mauvaises vibrations. Les bagarres ont commencé parce que les Hells Angels poussaient les gens. Il n'y avait pourtant aucune provocation, ce sont les Hells qui ont déclenché la violence. De la scène, j'ai pu voir un mec avec un couteau qui voulait buter quelqu'un. »


Et cela ne s’arrête pas là, tous les groupes suivant connaissent les mêmes problèmes, un membre du Jefferson Airplane reçoit un coup de queue de billard sur le crâne, le Grateful Dead refuse de monter sur scène tant que la situation ne sera pas calmée et Crosby, Stills, Nash and Young se contente du minimum afin de quitter au plus vite le chaos que représente ce festival, les différents protagonistes racontent :

« Altamont était un très mauvais présage. Le ciel était triste et gris ce jour-là. Le site dégageait des ondes très négatives. Ce n'était qu'un circuit, pas une prairie verdoyante. La foule était majoritairement sous acide et les Hells étaient encore plus défoncés. Ce drame a marqué un tournant. »

« C'était totalement surréaliste. Quand le moment est venu de jouer, on a été nuls. C'est l'un des concerts les plus déprimants dont je puisse me souvenir. Un monstrueux trip d'ego carburant à la coke. La musique était littéralement étouffée. J'ai eu une sensation d'écœurement pendant ce show, que je n'ai jamais oubliée et que je n'ai plus ressentie depuis, heureusement. J'ai senti la musique mourir cette nuit-là. »


Arrive enfin, le moment tant attendu par les 300 000 spectateurs du festival, le concert des Rolling Stones, mais dès leur arrivée, les choses ne se passent pas comme prévue, Mick Jagger lors du trajet entre l’hélicoptère et la foule se fait frapper par un spectateur mais décide de passer outre puis lors du concert les Stones sont contraints à maintes reprises de marquer des pauses dans leur musique pour que les gens se calment, malheureusement, cela ne suffira pas, les bagarres prolifèrent et la violence atteint son apogée lorsque Meredith Hunter, adolescent noir de 18 ans, se fait poignarder puis battre au sol par un puis plusieurs Hells Angels, il mourra alors sur le coup et le concert prit fin dans le chaos et la stupeur des artistes.


Ce concert fut un traumatisme pour les Rolling Stones et on peut voir cela dans le documentaire Gimme Shelter, lorsque la scène du meurtre est montrée à un Mick Jagger abasourdi et complètement sonné par la gravité de l’acte mais surtout par le contexte de ce meurtre, lors d’un concert qui se voulait pacifiste et symbole de la culture hippie à la manière de Woodstock. Le mouvement hippie est alors mort, un soir de novembre 1969 à Altamont, Californie sous les yeux des Rolling Stones. Ce que souligne ses membres :


Charlie Watts : « C'était une sorte de Woodstock, le genre de truc qui marchait à l'époque, mais cette mode allait sur sa fin. Si Woodstock a lancé la mode, elle a pris fin ce jour-là. » Pour les Rolling Stones, la pilule est amère et longue à avaler. Ils attendront trois ans avant de revenir jouer aux États-Unis.


D'après Mick Jagger : « Ça a été horrible, vraiment horrible. Tu te sens responsable. Comment cela a-t-il pu déraper de la sorte ? Mais je n'ai pas pensé à tous ces trucs auxquels les journalistes ont pensé : la grande perte de l'innocence, la fin d'une ère… C'était davantage le côté effroyable de la situation, le fait horrible que quelqu'un soit tué pendant un concert, combien c'était triste pour sa famille, mais aussi le comportement flippant des Hells Angels. »

Cette thématique de la fin des années hippies et du début de la désillusion se retrouve dans de nombreuses œuvres et notamment dans le film Las Vegas Parano ou le personnage principal prend conscience de la fin d’une ère qui symbolisait pourtant tellement pour ces participants. La chute fut à la hauteur des cimes atteintes et des rêves promulgués par les années 60, le rêve commença avec les envies de libertés de Jack Kerouac, atteint son apogée lors de Woodstock et mourra en novembre 1969 à Altamont. Le rock n’est pas mort pour autant en 1969 mais la drogue, la violence prirent une part de plus en plus importante au cours des décennies suivantes et le mouvement pacifiste n’apparut plus jamais, en témoigne en 1980, la mort d’un de ses représentants les plus importants, John Lennon, alors tué par un fanatique avide de violence et désillusioné par le tournant matérialiste prit par John Lennon. Alors que le mouvement hippie était né dans l'esprit de paix, d'amour et d'harmonie, Altamont a exposé les fissures dans cette utopie. La violence, la drogue et le meurtre tragique de Meredith Hunter lors de l'événement ont marqué un tournant dans la culture des années 60. Altamont a symbolisé la fin de l'innocence et de l'optimisme des hippies, donnant lieu à une période de réflexion et de remise en question. Cet événement tragique a laissé une empreinte indélébile sur l'histoire du mouvement hippie, rappelant que l'idéalisme des années 60 avait ses limites, tout comme l'idée de la société utopique qu'il cherchait à créer.

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